« Adieu Birkenau » : interview de Jean-David Morvan et Victor Matet à Quai des Bulles


Ecrit par McR le 23 novembre 2023

A 19 ans, Ginette Kolinka est envoyée dans le camp de concentration de Birkenau avec sa famille.

L’indescriptible reste alors enfoui durant plusieurs années puis finit par ressurgir. Le journaliste Victor Matet a recueilli les témoignages de cette dame pour France Info. Puis il a rencontré le scénariste Jean-David Morvan. Ensemble, ils nous racontent le destin de Ginette Kolinka avec un travail minutieux et une superbe analyse.

 

Bonjour, Jean-David et Victor. Comment est né ce projet ?

Victor Matet : L’idée de cet album vient de moi. Je connaissais bien Ginette Kolinka, j’avais fait des reportages sur elle pour France info. Je voulais raconter son histoire sous une forme différente, alors pourquoi pas une BD ?

Étant simple amateur de BD, j’en parle à ma sœur qui m’a présenté Jean-David Morvan.

Jean David Morvan : Quand la sœur de Victor m’a proposé de le rencontrer et de faire un album sur Ginette Kolinka, j’ai hésité. J’avais réalisé la BD « Madeleine, Résistante », et je ne voulais pas qu’on m’accuse de refaire le même concept. Puis j’ai vite dépassé cette question, quand je me suis rendu compte de la force que nous a apporté la rencontre avec Ginette. Ce fut formidable, génial. J’ai donc dit oui très vite ! Nous avons profité d’un voyage à Birkenau avec Ginette et des élèves pour mieux connaître son histoire.

 

Votre album est inspiré du voyage scolaire ?

JDM : Tout à fait ! D’ailleurs Victor apparaît dans l’album. Moi, je m’en suis extrait ! Dans « Madeleine, Résistante », j’avais raconté l’histoire de l’héroïne de façon très linéaire, de l’enfance à l’âge adulte. Ici, je voulais mettre davantage en avant le caractère et la personnalité de Ginette.

Son livre « Retour à Birkenau » est un très beau support de témoignages, mais on en apprend beaucoup plus en la rencontrant.

VM : Et puis ces voyages sont exceptionnels. Ginette refait un peu son monde, elle met beaucoup d’humour dans ses explications avec les élèves.

 

Être tous les deux au scénario, n’est-ce pas un peu compliqué ?

JDM : Pour moi, c’était une première !

VM : C’est comme si j’avais un peu besoin d’un metteur en scène car je n’y connaissais rien. Je n’avais pas les codes. Case 1, 2 ou 3, qu’est ce qui fonctionne le mieux ?

 

Certains passages ont-ils été douloureux à mettre en scène ?

JDM : Un passage concerne les toilettes, Ginette y décrit les bleus, la couleur de peau, les croûtes, les plaies. Je savais que cette scène ne pouvait pas être dessinée.

VM : Les personnes qui s’urinent dessus, on pouvait l’écrire mais le dessiner, non !

 

Quelle est votre technique pour faire passer ces douleurs ?

JDM : L’importance du témoignage dans la BD est : comment raconter cela sans bloquer le lecteur ? II faut se mettre dans la peau du lecteur, faire en sorte qu’il soit touché mais trop non plus, pour éviter qu’il ne referme trop vite le livre. On pousse le bouchon loin, mais on veut qu’ils tiennent jusqu’à la fin. C’est cela notre vrai travail !

 

Jean- David, tu affirmes que tu ne veux pas être catalogué suite à « Madeleine, Résistante ». Pour quelles raisons ?

JDM : Cela peut arriver surtout si l’album marche. On dira que Morvan a trouvé son créneau. Mais en fin de compte je m’en fiche. L’essentiel est ce que fais, pas ce que l’on va dire.

Ce que l’on a fait est bien pour nous, on a côtoyé cette femme qu’est Ginette. On apprend et on transmet, c’est ce que je recherche dans la BD. Quelle chance de la rencontrer, puis d’être soutenu par un éditeur pour raconter son histoire !

 

Avez-vous eu des difficultés dans la réalisation de cet album ?

JDM : La principale difficulté reste mon timing. (rires)

VM : il est vrai que j’écrivais dix pages et j’attendais un retour immédiat comme dans le journalisme. Puis deux mois passent… C’est long ! (rires)

JDM : Nous avons bien analysé le story-board pour que ce soit le plus crédible possible. Je voulais que l’on fasse un livre définitif sur Birkenau : prendre l’état des connaissances d’aujourd’hui, tout mettre dans la BD. Par exemple, je ne voulais pas mettre des nazis à la place des kapos ou ne pas mettre à l’entrée du camp les mots « Arbeit macht frei » puisque cela ne figurait pas à Birkenau même. Nous avons eu la chance d’être accompagnés par l’historien Tal Bruttmann, qui est un spécialiste de la Shoah. Il nous a beaucoup aidé et a réalisé un cahier graphique à la fin de l’album.

 

« Adieu Birkenau » est un album précieux en mémoire d’une histoire violente mais si humaine ! Merci à Jean-David Morvan et Victor Matet ! Bravo également à Ricard Efa, Roger Sole et Cesc aux dessins, le résultat est superbe !

A découvrir chez Albin Michel !



En bref

Un one-shot
Une BD de : Jean-David Morvan, Victor Matet, Ricard Efa, Roger Sole, Cesc
Édition : Albin Michel


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McR

McR a est un homme barbu mais pas méchant. Il a connu la préhistoire, et grâce à un accélérateur de particules, il a pu rejoindre la communauté.

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