Ecrit par BennyB le 30 novembre 2023
Aujourd’hui, la Loutre Masquée vous propose une interview de saison !
Dans « Un chant de Noël » de Charles Dickens paru en 1843, le vieil avare Scrooge rencontre les fantômes de Noëls venus du passé, présent et futur. Il va vivre une nuit mouvementée qui va lui faire se remettre en question.
Quand José Luis Munuera adapte ce célèbre conte en BD, il change le genre de Scrooge et propose une nouvelle approche de ce classique. Il nous raconte tout cela depuis le festival Quai des Bulles !
Bonjour ! Avec « Un chant de Noël » , vous adaptez un conte de Charles Dickens. Qu’est ce qui vous a interpellé dans cette histoire ?
Bonjour ! Pour moi, c’est un grand classique, c’est l’histoire de Noël par excellence ! Un jour, je me suis demandé combien j’avais de versions de cette histoire, que ce soit en cassette vidéo, BD ou romans. Je me suis donc demandé ce que je pouvais y apporter et je me suis lancé dans ma propre adaptation.
Dans votre adaptation, Scrooge est une femme et a pour prénom Elisabeth. Pourquoi avez-vous choisi de changer le genre du personnage principal ?
Dans l’histoire originale, Scrooge est vieux, moche, avare et misanthrope. Il déteste la Terre entière. Je me suis demandé ce que cela apporterait de le changer en femme. Le XIXe siècle était dominé par les hommes, une femme d’affaires devait donc être très forte, très sûre d’elle-même. Cela pourrait justifier cette misanthropie, ce caractère distant.
On découvre l’enfance de Scrooge. Suite à la séparation de ses parents, le père a décidé de détester toutes les femmes, et Scrooge en a souffert. C’est aussi l’occasion d’évoquer le patriarcat et le féminisme ?
Je ne suis porte-parole de rien. La seule chose dont je voulais parler c’est du machisme. Je suis un homme blanc, européen, de 50 ans. J’incarne donc le patriarcat à moi tout seul. Ce qui m’intéresse, c’est de chercher d’où vient le machisme et comment il peut interférer dans notre vie. Le père de Scrooge pense que les femmes sont sa propriété. Quand sa femme le quitte, il pense qu’elle est détestable et il ne se remet jamais en question.
Un personnage dit que « la femme est un homme comme les autres ».
Pour moi, l’écologie et le féminisme sont vraiment les sujets les plus importants d’aujourd’hui. Je pense que le féminisme va plus loin qu’une question de genre, c’est respecter tous les être humains, comprendre que les autres ont la même valeur que toi.
Visuellement, le contraste entre les décors et les personnages est frappant. Les décors sont très réalistes, alors que les personnages font penser à du cartoon. Comment avez-vous procédé pour avoir ce rendu ?
J’ai fait les dessins à la tablette graphique. J’imprime le dessin, et sur cette impression je commence à bidouiller avec tout ce que j’ai à portée de main : des aquarelles, des crayons, … Je finalise ensuite tout cela sur Photoshop. Je fournis au coloriste un document où tous les niveaux de gris sont déjà établis, ainsi que la texture, la lumière, les volumes, les ambiances… Il ne lui reste qu’à mettre des aplats de couleurs.
Je travaille d’une façon un peu particulière, je mélange le travail de scénariste et de dessinateur. J’écris en dessinant. Certaines idées qui n’étaient pas prévues arrivent avec le dessin.
Chaque fantôme est très différent. Comment les avez-vous conçus ?
Le fantôme de Marley est le plus évident, c’est un zombie classique.
Pour le spectre de Noël passé, je me suis inspiré des fantômes du cinéma japonais. J’ai choisi de le représenter comme un enfant sans expression.
Le fantôme de Noël présent est un symbole de ce qui est péremptoire et périssable. Je voulais quelque chose de végétal, organique.
Pour le dernier fantôme, celui du futur, j’avais d’abord pensé à la représentation classique de la Mort, avec la capuche et la faux. Finalement, j’ai préféré faire quelque chose qui évoque la fumée, les cheminées de Londres, quelque chose de sombre et volatile, qui n’est pas vraiment défini.
La morale est aussi assez différente. A la fin, Elisabeth Scrooge tire des leçons de ce qu’elle a vécu mais ne change pas tant que cela non plus.
Exact ! A la différence de Dickens, je voulais que le lecteur trouve ses propres conclusions. Elisabeth ne se laisse pas faire facilement. Elle s’assume, tout en comprenant qu’elle a le pouvoir de changer certaines choses. Le dialogue le plus fort est à la fin, quand elle parle avec la femme de son employé, qui elle-même la déteste. Elle dit qu’une femme est soit une sorcière, soit une sainte. Elle conclut en disant que nous avons intérêt à toutes et tous avancer ensemble. C’est le message le plus important du livre.
Cet album est sorti en novembre 2022. Qu’en pensez-vous, avec le recul ?
Je suis content d’avoir réalisé mon bouquin de saison. En décembre, on assiste à toutes ces émissions spéciales et téléfilms de Noël. J’ai toujours voulu faire quelque chose dans cet esprit. Je peux maintenant dire que j’ai fait mon album de Noël !
Avez-vous d’autres projets à venir ?
Oui, je travaille sur le troisième tome de la série « Cœur de ferraille » avec Béka. Je viens de sortir avec Kid Toussaint « La course du siècle » qui raconte un marathon lors des Jeux Olympiques de 1904 aux États-Unis, un événement qui a tourné au grand n’importe quoi. C’est une comédie légère très feel-good.
Merci beaucoup ! Vous l’avez deviné, « Un chant de Noël » est l’album idéal pour se plonger dans l’ambiance des fêtes de fin d’année… et une super idée cadeau !
Pour en savoir plus sur le nouvel album « La course du siècle », cliquez ici !
En bref
Un one-shot
Une BD de : José Luis Munuera
Édition : Dargaud
Découvrir nos interviews réalisées à Quai des Bulles 2023 !
BennyB
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