Ecrit par Gaston Vlaminck le 28 mars 2012
“L’équilibre sur lequel a reposé le monde pendant cinquante ans est rompu, tous les regards se tournent vers un seul pays au coeur de toutes les tensions : le Royaume du Lousdem. Les Américains sont prêts à y faire la guerre : la crise du Lousdem, c’est la mère de toutes les crises à venir.”
Le ministre des Affaires étrangères Taillard de Vorms sait convaincre, et quand il demande à Arthur Vlaminck, un jeune thésard, de rejoindre son équipe, de faire partie de ce “petit nombre d’hommes très déterminés qui peut changer le cours des choses” , celui-ci est évidemment emballé ; il sera chargé du “langage” : en effet, “un ministre, ça ne peut pas parler à tort et à travers, tu dis un mot de travers et du déclenches une crise internationale” . On plonge ainsi dans les coulisses ô combien intéressantes de la diplomatie, de ses jeux de pouvoir, de ses tensions et des ses quelques rares réussites.
“Sarkozix” ; “La face karchée de Sarkozy” ; “Le petit Sarko et la Ségo qui fait rien qu’à l’embêter” ; “La vie secrète de marine le pen” , etc … A l’approche des élections présidentielles; il faut reconnaître que la bd dite “politique” est un succès d’édition, elle a le vent en poupe, et ce malgré une tendance à tomber dans la facilité, elle se vend comme des petits pains au grand dam de la qualité de la réflexion.
A l’inverse, on bénéficie dans cette bd, outre de la connaissance de la vie de cabinet de l’énigmatique Abel Lanzac, du sens génial du rythme de Christophe Blain, qui semble être de plus en plus à l’aise avec les différents outils de communication qu’offre le média qu’est la bande dessinée, pour le plus grand bonheur des lecteurs. Ce mariage délicat se fait donc parfaitement et prouve l’expérience et, une nouvelle fois, le talent de l’auteur d’Isaac le Pirate ou encore de Gus. Son style minimaliste donne une véritable force au récit et l’on ne peut qu’être entraînés par le rythme, le mouvement parfaitement exprimé par le dessin de Blain. Un domaine que pourrait être perçu par quelques uns comme peu digne d’intérêt (même si je ne partage absolument pas leur point de vue) est dépeint avec une telle intensité que chacun est emballé par le récit.
Cette simplicité du dessin permet de donner plus d’épaisseurs aux personnages, ayant tous leur personnalité et une force de caractère propres. Le fantasque Alexandre Taillard de Vorms, ministre cultivé, haut en couleur, excellent orateur, bel homme, n’est autre que la copie quasi-conforme de de Villepin, dont le scénariste a été un proche collaborateur, et à qui cet album fait la part belle même s’il n’évince pas les défauts de ce dernier. “Il lance la boule, il dit un truc, c’est n’importe quoi en apparence , mais quand tu comptes les points c’est complètement dingue : sa boule est toujours à 1 centimètre du cochonnet de la vérité ! Dans cinq ans, tout le monde verra qu’il avait raison”. Dans un contexte de tension internationale sur fond de conflit imminent, il reste convaincu de l’absolue nécessité de la préservation de la paix et doit persuader les autres acteurs des relations internationales, d’où l’importance du département du “langage” . Mais il y a aussi Pierre Vimont alias Claude Maupas, directeur de cabinet du Ministre, extrêmement travailleur, défenseur obstiné de l’ONU, de gauche, souvent désabusé mais on ne peut plus compétent ; Arthur Vlaminck, jeune thésard qui se frotte et se pique au monde particulier de la politique, de la spécificité de cet “amour de cabinet” , et tant d’autres encore.
Plein d’humour, d’anecdotes forcément réelles, cette bande dessinée permet une excellente première porte d’entrée dans l’univers de Christophe Blain et dans les travers du Ministère des Affaires Etrangères. A lire, relire, conseiller et prêter sans modération. Toutefois, cette excellente série permet-t-elle de relever à elle seule le niveau accablant des autres bandes dessinées humoristiques traitant de la politique ? Malheureusement, je pense que non, car il y a encore énormément de travail à effectuer.
Gaston Vlaminck
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